Que se passe-t-il ?
1- La démocratie s'affaiblit et se transforme en ploutocratie.
Le milieu financier a pris le contrôle de la politique : il finance les campagnes mais attend des contreparties en retour [1]. Nous n'appelons plus ça de la corruption car s'est fait proprement (i.e. dans les règles), nous préférons parler de conflits d'intérêts. Mais la collusion entre finance et politique est bien là et favorise les préférences politiques des plus riches au détriment des autres. Les banksters en bande organisée ont remplacé efficacement les gangsters [2]. Cette collusion s'est fortement ancrée dans la technocratie Européenne : l'Europe ne joue plus le rôle d'ascenseur social pour laquelle elle a été initialement fondée mais est principalement soumise aux lobbies industriels et financiers. L'Europe est maintenant dévoyée pour renforcer l'intérêt des multinationales et des fonds financiers : les maîtres du monde. C'est la sainte alliance polito-financière décrite par Edgar Morin dans une tribune. Notre démocratie n'en a plus que le nom, elle a ainsi dérivée dans les dernières dizaines d'années en France en Europe mais aussi au Etats-unis vers une ploutocratie (système de gouvernement géré par et pour les riches) et se transforme dans les dernières années en dicdature financière .
2- Les inégalités se creusent et les atteintes à l'environnement se renforcent.
La ploutocratie conduit à un renforcement des inégalités (entre pauvres et riches) et des atteintes plus poussées à l'environnement (il faut exploiter la planète toujours plus profondément pour créer de la richesse). La mainmise sur le monde par les financiers a conduit à une augmentation, dans les dernières 10 années, du revenu du capital 7 fois plus rapide que le revenu du travail [3]. La théorie du ruissellement, si chère aux économistes, ne fonctionne pas [4] : c'est un mythe qui alimente les croyances de la religion de la finance. La croissance mondiale profite toujours aux plus fortunés : Oxfam rapporte que les écarts de richesse continue de se creuser. Les inégalités s'accroissent entre riches et pauvres : Plus de 80% de la richesse mondiale va au 1% les plus riches . Et en attendant les riches polluent 2000 fois plus que les pauvres ! [5]. Les ressources du monde que l'on pouvait considérer comme infinies dans les années cinquante sont consommées 1,6 fois le jour du dépassement est le 8 Août en 2019 . Comme le souligne le sociologue Pierre Bourdieu, l'Homo oeconomicus est transformé en un « monstre anthropologique », hyperrationnel, mû exclusivement par la froideur du calcul économique [13] et faisant fi des inégalités et des atteintes à l'environnement. Le capitalisme ultralibéral est la source des inégalités mais, nous sommes dans un cercle vicieux, car le capitalisme se nourrit également des inégalités : c'est grâce aux inégalités que la surconsommation est à son comble (les riches surconsomment allègrement) et les crédits à la consommation (aux moins aisés) sont un moteur important du capitalisme. "Il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation, l'une est par les armes, l'autre est par la dette. " John Adams (Deuxième président des États-Unis).
3- Les peurs entraînent une dérive autoritaire
L'humanité atteint donc une limite alors qu'elle croyait en une croissance infinie : en physique cela conduit à des instabilités, dans la société aussi ! C'est la fin d'une religion qui sous tendait notre société (ou au moins les maîtres du monde -politiques et financiers-). Une peur s'installe dans le système et un système qui a peur devient autoritaire pour se protéger (ou protéger ses intérêts). L'élite éduquée et médiatique est ainsi à même de basculer dans l’autoritarisme car leurs intérêts et leurs croyances sont menacés. Tout est actuellement fait pour conserver ces intérêts, pour dilapider les dernières sources de gain possibles (privatisation en série, destruction du service public au profit du privé) voire pour les mettre à l'abris dans les paradis fiscaux. La peur de perdre (pour des gens qui ont envie de gagner plus) et la déconnection avec la réalité du terrain conduisent à une rupture et à des tensions profondes. Cette situation conduit à des paradoxes à la lumière des Australiens entre enfer climatique et dirigeants climatosceptiques . Les maîtres du monde cherchent ainsi à renforcer le contrôle des populations en s'inspirant fortement de BigBrother de 1984 [6]. Le grand frère dit vouloir nous préserver de l'insécurité mais s'est pour mieux contrôler la population comme en Inde [7] ou en Chine . Bref c'est 1984, 36 ans après ! Et quand on a peur, le meilleur moyen pour contrôler la population est de créer de nouvelles peurs (peur de l'immigration, peur des extrêmes -c'est moi ou les extrêmes ! [8]-, peur du peuple qui gronde dans les chaines d'infos anxiogènes, peur de l'installation d'une dictature écologique ...). La dernière trouvaille de l'Europe est d'utiliser la peur du changement du climatique pour instaurer un état d'urgence climatique (pour contrôler la population si vous avez suivi !) ce qui fait du coup peur aux climato-sceptiques . La boucle est bouclée, le cercle vicieux de la peur est en marche !
Que faut-il faire ?
Ces constats nécessitent une évolution importante voire une révolution car il faut inverser les valeurs ! Il faut changer d'ère et passer du capitalocène à l' anthropocène (où l'espèce humaine serait la force écologique majeure) [12]. Il faut remonter très haut, à la base même de nos théories économiques pour pouvoir concevoir un changement rapide et à grande échelle. Ce chemin, cette diversité des approches, cette remise en cause des concepts hérités de l'économie néo-classique, ni la recherche, ni l'enseignement en économie ne sont en train de l'encourager. Les changements sont en effet radicaux et l'ensemble du logiciel de notre société doit changer:- Compétition -> Solidarité
- Court-termisme -> Durable
- Mondialisation -> Circularité
- Défiance -> Confiance
- Argent -> Humain
- Consommation -> Raison et sobriété heureuse
- Centralisation -> Agilité et transversalité
En terme de production et de consommation, il faut décentraliser les systèmes et introduire dans ces systèmes une économie de la circularité. Les transports de matière (denrée, produits) doivent exister seulement si la production locale (ou le recyclage) est impossible. La raison doit l'emporter sur la sur-consommation, il faut aller vers une sobriété heureuse c'est à dire posséder le nécessaire pour se loger, s'habiller, se déplacer, communiquer mais supprimer le superflu (il faudra privilégier le caractère fonctionnel des produits). La publicité poussant à une surconsommation inutile sera supprimée.
En terme d'organisation politique, il faut que les décisions (sur les conditions de vie) se prennent sur le terrain à l'échelle d'un bassin de vie afin d'utiliser le bon sens des habitants et d'éviter des gaspillages (démocratie participative). Il faut que les choix soient toujours mis dans le contexte de la durabilité. Les supra-gouvernements devront faire confiance aux décisions locales et appliquer un principe général de subsidiarité.
Comment faut-il faire ?
En bref, il faudrait faire une révolution mais attention ! C'est bien d'une révolution [9] qu'il s'agit car il faut faire faire à notre société un demi-tour pour passer d'un monde passionné par la consommation à un monde de raison et de sobrité [10] limitant les inégalités et les atteintes à la planète. Mais la révolution est dangereuse pour l'humanité et la planète : le désordre lié à une révolution engendre de l'entropie et la planète n'en a pas besoin ! Dans une tribune, Edgar Morin souligne : "Je crains donc que le soulèvement populaire ne débouche non seulement sur une répression réactionnaire, mais sur une aventure qui conduirait au pouvoir d'une néo-dictature". Comme l'analyse finement Bernard Werber , Ne t'attaque pas au système, démode-le ! car "Le Système est trop grand, trop lourd, trop ancien, trop complexe". Il faut donc démoder notre système.- Pour ceux qui pensent que c'est impossible : un pays l'a fait Le Bonheur national brut peut-il remplacer le PIB ? Voir également l'institut économique du bonheur..
- Pour ceux qui pensent que c'est bisounours : Le Bonheur national brut : ce qu'il faut savoir sur une idée pas si "bisounours" .
- Pour les économistes sceptiques, Jeremy Rifkin a proposé dans son livre "Troisième Révolution Industrielle" [11] une transition entre la société actuelle et le futur avec une (re)continentalisation de l'économie (pour supprimer les échanges matériels inter-continentaux non nécessaires -l'échange d'information sera toujours indispensable-) et la création de biosphères (organisation de communautés -bassin de vie- relativement autonomes en produits de première nécessité -énergie, eau, alimentaire...- et d'équipements -pour limiter les déplacements- mais inter-connectées entre elles -sur le principe des smart grid-).
- Pour les technologues, il faudra utiliser les connaissances et techniques actuelles pour créer ces systèmes d'habitat, d'organisation et de services en optimisant la production durable des ressources (eau, énergie, aliment, produit) ainsi que le recyclage pour générer de la circularité. La connexion de ces "biosphères" sera essentielle car l'échange d'information et de flux de matière et d'énergie est la condition nécessaire pour réduire l'entropie (l'échange de l'information conduit à de la néguentropie quand cela se fait de façon "intelligente" comme dans un système biologique).
- Pour ceux qui ont besoin de croire (en des dieux matériels -comme celui de la fortune pour les financiers !- ou en des dieux spirituels classiques), cela conduit à revenir au culte de la « Déesse mère » de la mythologie grecque, Gaïa (du grec ancien Γαῖα « Terre ») : c'est la déesse primordiale identifiée, mère de toutes les lignées de dieux qui s'opposent aujourd'hui !
Illustration de ces dérives dans le monde de la recherche
... en cours d'écriture ...Cette évolution macabre et la révolution nécessaire se retrouve dans tous les domaines de la société. Alors que se passe-t-il ? et Que faut-il faire ? dans le domaine de la recherche.
Que se passe-t-il ? Le Darwinisme ou quand on veut qu'un individu payé cher remplace le collectif
Que faut-il faire ? Le CNRS ne doit pas jouer les pompiers pyromanes . La compétition pervertit la recherche. La coopération dans les laboratoires (dont le modèle fait envie aux collègues Américains) doit rester le socle de la recherche Française.
Références
[1] Le prix de la démocratie, Julia cage, Fayard, 2018 et un interview sur Mediapart
[2] En bande organisée, Flore Vasseur, J'ai lu, 2015
[3] Le capital au XXIe siècle, 2013, Thomas Piketty, 2013 et une synthèse intéressante
[4] Le mythe de la « théorie du ruissellement », Arnaud Parienty, La Découverte, 2018
[5] Carbon and inequality: from Kyoto to Paris, Lucas Chancel, Thomas Piketty
[6] 1984, George Orwell, 1949
[7] En 2018 l'Inde a commencé à deployer des caméras avec reconnaissance faciale pour, disait-elle, retrouver des enfants disparus. En 2019 elle s'en sert pour identifier les Indiens qui viennent régulièrement manifester contre le gouvernement fédéral.
[8] Dans une période de déclin, la peur prend tendanciellement le pas sur la rationalité en politique, et oriente le vote davantage vers l’individualisme plutôt que vers la solidarité. Extrait de
[9] Voir les articles d'Aurélien Barrau https://www.liberation.fr/debats/2019/12/26/nous-manquons-tellement-d-audace_1771120 et une analyse intéressante https://twitter.com/JeanMassiet/status/1211058728625168386
[10] Vers la sobriété heureuse, Pierre Rabhil, Acte sud, 2010
[11] Troisième révolution industrielle, Jérémy Rifkin, Les liens qui libèrent, 2012
[12] Le capitalocène, Aux racines historiques du dérèglement climatique, Armel Campagne, 2017
[13] Homo economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux , Daniel Cohen,Albin MIchel, 2013